Clause de non-recours et obligation de délivrance
Clause de non-recours et obligation de délivrance : ce que dit la Cour de cassation
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Dans un arrêt du 10 avril 2025 (n° 23-14.974), la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle un principe désormais bien établi :
Une clause de non-recours imprécise ne saurait exonérer le bailleur de son obligation légale de délivrance.
Cette décision mérite l’attention des praticiens du droit immobilier, tant elle souligne l'exigence de précision contractuelle en matière de limitation de responsabilité.
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Les faits et la question posée
Un preneur à bail commercial reprochait au bailleur un manquement à son obligation de délivrance, le local loué ne répondant pas aux conditions contractuelles convenues. Le bailleur s’en défendait en invoquant une clause de non-recours insérée dans le bail, selon laquelle le preneur reconnaissait avoir pris le bien "en l’état" et renonçait à tout recours.
La Cour d’appel a écarté les griefs du preneur en considérant que cette clause faisait obstacle à toute action fondée sur un défaut de délivrance.
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⚖️ La position de la Cour de cassation
La Haute juridiction casse cette décision en des termes clairs :
Une clause générale et imprécise ne permet pas d’écarter l’application de l’article 1719 du Code civil.
En effet, le bailleur reste tenu d’une obligation de délivrance conforme, c’est-à-dire de fournir un local conforme à la destination contractuelle, sauf clause expresse, claire et dénuée d’ambiguïté permettant d’y déroger. Une clause vague ou d’apparence générale ne suffit pas à renverser cette obligation légale.
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Rappel de droit : l’article 1719 du Code civil
L’article 1719 impose notamment au bailleur :
• de délivrer la chose louée en bon état de réparation de toute espèce ;
• d’assurer au locataire la jouissance paisible du bien ;
• et de garantir que le bien est conforme à la destination prévue au contrat.
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Ce qu’il faut en retenir
Cette décision réaffirme une jurisprudence désormais bien ancrée :
• La clause de non-recours n’a d’effet qu’à la condition d’être parfaitement rédigée ;
• Elle ne saurait servir de paravent à un défaut de conformité manifeste ou à un manquement à l’obligation essentielle de délivrance ;
• Le juge opère un contrôle strict de la rédaction des clauses limitatives, en particulier lorsqu’elles portent atteinte à des obligations légales d’ordre public.