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Le lissage de 10% du loyer déplafonné sur la sellette !!

Quel bailleur n’a pas été choqué de constater que son loyer fixé à la valeur locative après bien souvent un long combat acharné est limité à 10% du dernier loyer. La cour de cassation qualifie dans son avis du 09 mars 2018[i] le lissage d’étalement de la dette au même titre qu’un débiteur de bonne foi dans une situation financière difficile bénéficiant de délais de paiement sur 24 mois maximum en application de l’article 1343-5 anciennement 1244-1 du Code civil. Or, la loi Pinel prévoit une application automatique de ce lissage sans aucune étude préalable de la situation financière du preneur. Toutefois, le preneur prudent a en principe anticipé une éventuelle hausse de loyer et dispose donc des capacités financières de s’acquitter du différentiel de loyer.

Il est intéressant de noter que la cour de cassation a choisi le mot étalement ce qui ne signifie pas effacement d’une partie de la dette de différentiel de loyer. Dès lors, de la même manière que pour l’article 1343-5 du code civil, le différentiel de loyer dû en exécution de la décision pourrait s’étaler non pas jusqu’au jour où la valeur locative fixée judiciairement est atteinte mais bien jusqu’à apurement total de la dette de différentiel de loyer, assortie en toute logique des intérêts judiciaires. Rien n’est prévu par la loi Pinel pour stopper le cours des intérêts contrairement à l’article 1343-5 du Code civil.

La cour de cassation dans son arrêt du 06 février dernier[ii] retient le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité posée par le bailleur relative aux dispositions de la loi Pinel prévoyant le plafonnement du déplafonnement en indiquant qu’elles sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur.

Elle prend soin de préciser dans son avis du 9 mars 2018 que « l’étalement n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l’appliquer ». C’est dire la défiance de la cour de cassation à l’égard de cette disposition.

Est donc en jeu la constitutionnalité du lissage de 10% instauré par la loi Pinel.

Rien ne justifie en effet que le bailleur soit privé d’une partie de son loyer déplafonné judiciairement fixé. Les difficultés financières de la boulangère de Madame Pinel lui ayant inspiré ce lissage de 10% ne peuvent légitimer une application automatique, généralisée et éventuellement privative d’une partie des loyers dus au bailleur et ce, quelque soit la situation financière du preneur.

Il convient de rappeler que la loi Pinel était destinée à s’appliquer uniquement aux petits preneurs… Espérons que le Conseil constitutionnel soit sensible à cette privation du bailleur momentanée voire définitive d’une partie du prix lui revenant en contrepartie de la perte de jouissance de son bien.

 

[i] Avis n° 15004 du 9 mars 2018 - Troisième chambre civile : lire l'avis.

 

[ii] Arrêt n°219 du 6 février 2020 (19-86.945) Cour de cassation - Troisième chambre civile : lire l'arrêt.